Envie de nous rejoindre ?
Rejoindre l'équipeEt sinon ...
16 bis avenue Parmentier 75011 Paris, France
40 Rue Fanfan la Tulipe 92100 Boulogne-Billancourt
+33 (0)1 82 83 83 60 [email protected]
A l'heure du basculement dans une société de la rapidité qui ne semble plus savoir s’arrêter, de l'éphémère mais aussi des crises qui s'enchaînent de plus en plus vite, le temps semble être devenu une menace. Telle la tortue de la fable, ne serait-il pas temps de se hâter vers le doux rythme de la lenteur pour être davantage en résonance avec le temps mais aussi avec le monde ?
Dans son livre Accélération, une critique sociale du temps, le philosophe et sociologue allemand Hartmut Rosa souligne le fait que nous avons de plus en plus le sentiment de manquer de temps, notamment car nous enchaînons voire cumulons les expériences, sans vraiment les vivre. Un constat qui résonne visiblement de plus en plus en nous ainsi qu’au sein de la sphère sociale et se vérifie : selon une étude L’ObSoCo | L’ADEME | BPI France Le Lab datant de février 2022, 69% des personnes interrogées ont le sentiment que le monde change trop vite tandis que 59% aspirent à ralentir dans leur vie quotidienne. Autre manifestation qui peut sembler anodine mais qui en dit en fait très long sur la période et le besoin de lenteur de l’époque : le verbe chiller (de chill qui signifie calme, tranquille en anglais) a fait son entrée dans le Petit Robert en 2023.
Plus loin et plus profondément que la lenteur en elle-même, ce sont nos modèles de vie, dominants jusqu’à présent, qui sont interrogés et remis en question, à travers cette tendance.
Chaque année, les habitants de la banlieue de Medellin fêtent "la journée internationale de la paresse". Au programme : concours du plus beau pyjama, bataille de polochons, course de lits, défilé et soirée techno. Un événement festif mais aussi très politique. En 1985, la célébration avait été créée pour protester contre le stress au travail, le manque de moyens attribués à la culture et valoriser le repos, source de créativité. En Chine, les jeunes du mouvement tang ping restent allongés et le revendiquent. Avec un message assez clair derrière cet acte de ralentissement radical : un rejet et une invalidation du mythe du "travailler plus et plus vite pour gagner plus". Cette vague de désillusion trouve un écho dans le phénomène du Hikikomori au Japon, où des jeunes choisissent l'isolement extrême, se retirant complètement de la société pour mener une existence recluse, souvent chez eux, à l'écart des pressions sociales et professionnelles. Un phénomène qui toucherait de plus en plus la France, d’ailleurs récemment agitée par la question du temps libre, à travers la question de la réforme des retraites et du rapport au travail qui lui est associé.
Un nouvel éloge de la lenteur et du ralentissement qui donne une dimension supérieure à la notion d'artisanat, associée à une temporalité et un savoir-faire plus lents et constants, ainsi qu’aux notions de savoir-faire ancestral et d’héritage, particulièrement et de plus en plus visibles dans l’univers du luxe. En janvier 2022, Chanel inaugurait par exemple “19M”, lieu entièrement consacré à la création et à la transmission des Métiers d’art. Autre exemple parlant, la Maison Loewe, qui place les pratiques ancestrales au cœur de ses marketing et communication. Pour l’un de ses sacs, la marque a par exemple récemment réinterprété le savoir-faire de la Galice, région située au nord-ouest de l'Espagne, en s'inspirant de la Coroza, manteau traditionnel fait à partir de jonc et surtout porté par les paysans pour se protéger de la pluie et du vent. Pour présenter les nouvelles teintes de ses sacs, la Maison a également rendu hommage à la beauté de la couleur monochrome, à travers un documentaire baptisé Colours of nature, qui rend hommage aux artisans chinois de la porcelaine.
Un artisanat et un travail de la main humaine qui auront un rôle central dans ce combat contre la vitesse, dans les mois et même années à venir et qui gagneront encore plus en importance et en valeur si l'on considère l'émergence de l'IA et du made by robot (question que nous avons d’ailleurs abordée dans notre Insight Loop #4 - Real Human After All que nous vous invitons vivement à lire ou à relire).
Encourager et éduquer à la lenteur et à l'oisiveté, d’abord. Se faire les alliées de moments qu’on vit pleinement, des choses qu’on fait, une seule à la fois, les alliées d’un temps (passé à faire ce qu’on aime ou à ne rien faire du tout) qu’on sait savourer.
Avec, également, un rôle de déconstruction des a priori négatifs qui collent encore trop à la peau de ces deux notions précieuses, utiles et nécessaires. Décomplexer et leur redonner leurs lettres de noblesse qui font d’elles, un art de vivre à part entière. Un rôle d’autant plus important quand sait que l’oisiveté est nécessaire au bon fonctionnement de notre cerveau. Srini Pillay, médecin, chercheur et enseignant à la Harvard Medical School a démontré l'existence de zones cérébrales qui s'activent ... dès qu'on ne fait rien. Le cerveau au repos développe en réalité une activité très intense et nécessaire. Ce réseau du "mode par défaut", qui s'enclenche quand on laisse libre cours à nos pensées, joue notamment un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de la mémoire, des émotions et de l'introspection. Il nous permet également de récupérer des informations que notre cerveau "attentif" n'a pas pu obtenir. Autrement dit, on aurait bien tort de limiter la flemme et l'oisiveté à un simple coup de mou passager.
Second rôle majeur, permettre au plus grand nombre de profiter de ces moments lents et oisifs, de façon réaliste et non élitiste, à une époque où le temps disponible est un luxe, pour la plupart d’entre nous. Réussir donc, à les intégrer dans les modes de vie réalistes des personnes auxquelles on s’adresse.